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Remontee de la Mer Rouge : de Massawa (Erythree) a Al Guna (Egypte)

vendredi 23 mai 2003

Récit de nos pérégrinations le long des cotes de la Mer Rouge : de l’Erythree a l’Egypte en passant par le Soudan…

Mercredi 30 avril 2003, Massawa, 15°36’N 39°27’E

Finalement, notre étape en Erythree aura été plus longue que prévue, pour de multiples raisons, et sans que ce ne soit plus mal.

De toutes façons, cote météo, il ne sert plus a rien de courir, ça ne pourra plus être plus mauvais. En effet, nous arrivons dans une zone où, quelque soit la période de l’année, les vents soufflent systématiquement du secteur nord (donc contraires a notre route, ce qui sur un voilier n’est jamais très bon). Prenons donc notre temps, et profitons au maximum des charmes de la Mer Rouge.

Etape donc plus longue que prévue a Massawa, qui nous aura permis de découvrir un petit peu un pays dont nous ne connaissions rien, notamment au cours d’une visite a la capitale du Pays, Asmara, perdue dans les montagnes.

On est partis pour quatre heures de bus, passant du désert qui ceinture la cote aux flancs de montagnes cultivés de mais et clairsemés de cactus. Comme c’était bon de sentir la fraîcheur nous envelopper, alors que nous étions collés les uns aux autres a 6 sur des banquettes de 4 (ce qui en soit ne constitue pas le record détenu par les pick-up de Madagascar : 1 tonne de riz, 15 poules et 17 personnes accroupies sur les sacs !) et que notre pauvre voisine rendait ses boyaux a chaque virage… Asmara est une cite qui sent l’expresso, et les lasagnes dans ses belles avenues bordées de palmiers et la farine fraîchement meulée et les fientes de poule dans ces magnifiques souk. Un étrange mélange donc, d’influence italienne dans les beaux quartiers, ou l’on trouve une des plus grande église de l’Afrique.

Et puis, ça a été une nouvelle occasion de connaître plein de monde, tant des érythréens que des équipages de voiliers au mouillage dans le port de Massawa. C’est un aspect vraiment chouette de la vie sur un bateau, de vivre à chaque mouillage une expérience sociale riche. On ne peut évidemment pas vivre les uns a cote des autres, chacun sur son bateau, sans s’intéresser a personne. Tous ceux qui ont déjà vécu sur un voilier savent ce que sont les millions de préoccupations et problèmes quotidiens des « yachties » (terme consacre). Alors on s’intéresse les uns aux autres, chacun vient donner son avis sur un problème mécanique, donner un coup de main, raconter son expérience, sa vie, ses aventures. C’est tout bête, c’est la vie, mais c’est con, on ne le voit pas dans le metro ou dans sa voiture le matin avant d’arriver a son travail. Personne ne s’intéresse a personne, et les milliers de gens qui nous entourent nous sont indifférents.

Ca a été aussi l’occasion de revoir Téo sur son joli Ketch en acier de 15 mètres, que nous avions déjà rencontre à Cochin, en Inde. Il a quitte la Thaïlande un peu avant nous et voyage tout seul avec son chat « Gick » pour rejoindre son pays natal la Turquie. Téo a construit Coral tout seul ainsi que son précèdent bateau en bois, il est sur l’eau depuis près de 20 ans, c’est pour nous une mine d’info et un compagnon très sympa. Voyageant tous deux avec un petit budget on trouve l’occasion de travailler ensemble pour un bateau américain qui s’est abîme sur les récifs dans le canal de Massawa…drôle de rencontre que ce septuagénaire qui croit tout pouvoir acheter, de sa connaissance de la mer (qui se résume a un livre de croisière en Mer Rouge et la notice de son pilote automatique), le respect des pays abordes (qui lui revient de droit puisque sa nation arrose de milliards de dollars la moitie de la planète) jusqu’à sa femme Michèle, jolie chinoise de 46 ans. Téo répare le safran et nous le fixons ensemble en plongée, Sylvain répare le feu de tête de mat et je m’occupe des toilettes…bref on essaye de faire le tour. Comme on s’entend bien avec Téo, nous décidons de faire route commune jusqu’à l’Egypte.

Alors voila, c’est parti. Les formalités de sorties du territoire sont effectuées, ainsi que la visite réglementaire de l’officier de l’immigration, charge de vérifier que Parsifal ne se prête pas a une évasion de ressortissants érythréens en mal de quitter le pays pour un lointain paradis que l’on appelle la France…

Il est 16h40, et le port de Massawa s’éloigne. Evidemment, le vent est de face, et nous contraint très vite à tirer des bords. Puis finalement, ça ramollit, et nous décidons de mettre en marche le moteur. Il va falloir s’habituer a ce genre de décision, parce que maintenant ça va être toujours comme ça, et Suez est encore a plus de 1100 milles devant l’étrave.

Matelot ! On hisse la grand voile ! (La capitaine se trouvant derriere l’objectif !)

La nuit s’écoule tranquillement, la chaleur torride de la journée (35/40°C a l’ombre, et vraiment beaucoup au soleil) laissant place a une relative fraîcheur que vient tempérer une forte humidité : les voiles dégoulinent, et nous aussi…

Jeudi 1er mai 2003, Chenal de Massawa, 16°47’N 39°20’E

A une nuit tranquille succède une journée tout aussi tranquille. Un peu de voile et beaucoup de moteur.

Vendredi 2 mai 2003, Sud-ouest de « Khor Nawarat », 17°52’N 39°01’E

Le soleil se lève, séchant enfin un petit peu une atmosphère lourde. Finalement, le vent s’est levé vers 1h du matin, et on a termine la nuit a la voile. Dans la matinée, le vent tourne même Sud-est (rarissime dans le coin), et on s’offre le luxe de hisser le spi (on n’aurait jamais cru remonter la Mer Rouge sous spi). Bon, ça n’a pas dure très longtemps, il fallait sans douter, car le vent commence a souffler (25 nœuds), et tourne tout doucement vers le nord. Tout a coup, surgissant d’un l’horizon très bas surgissent les premiers récifs. Nous allions beaucoup trop vite sous spi, et nous n’avons pas fait trop attention a la proximité de la cote, sableuse et très basse, ce qui n’arrange pas la visibilité. Commence alors une série de manœuvres qui durera une bonne heure (empannage sous spi, affalage du spi, manoeuvres diverses sous génois pour essayer de ne pas finir sur les récifs). Ouf, ça passe ! « Khor Nawarat » n’est plus qu’a quelques milles, vite avales avec ce vent, et on mouille dans la marsa vers 16h30, juste avant que la lumière soit insuffisante pour voir les récifs.

« Khor Nawarat » se présente sous la forme d’une large baie, protégée de toutes les directions par des îles désolées, plates et sableuses, et de nombreux récifs coralliens. Une ambiance étrange règne ici, l’atmosphère humide et brumeuse ne permet pas de voir la cote, ou devraient surgir les premières montagnes soudanaises. On distingue le mat d’un voilier anglais, que l’on a rencontre à Massawa, et qui mouille a quelques centaines de mètres de nous.

Prise de contact avec l’élément liquide, et prise d’un poisson pour le dîner. L’eau n’est pas si claire que ça, mais le corail est sublime.

Samedi 3 mai 2003, « Khor Nawarat », 18°15’N 38°19’E

Nuit agitée. Du vent de nord s’est levé cette nuit, soufflant a plus de 30 nœuds. Parsifal n’est pas mouille très loin des récifs, et c’est un peu flippant. On pense surtout a Téo sur « Coral », qui doit être en route pour nous rejoindre, et qui doit passer un moment pas très agréable.

Le soleil vient de se lever (disons depuis a peine 4 heures), c’est l’heure du petit dejeuner et des traditionnels pancakes.

Au matin, le vent s’est calme, et l’on se réveille au paradis. L’occupation principale de la journée sera essentiellement de trouver le meilleur site de plongée du coin. Des 8 heures du matin, nous sommes dans le dinghy, et explorons tous les récifs en plongée. Beaucoup de raies, de requins (pointes noires, pointes blanches, requin nourrices …), de tortues, et du corail superbe…

Vers 16h, les deux mats de « Coral » s’annoncent, et Téo vient mouiller juste a cote de nous. Retrouvailles autour d’un apero « Zibib » (sorte d’alcool érythréen proche du pastis) et d’un énorme barracuda qu’il a pêche dans l’après-midi.

Dimanche 4 mai 2003, « Khor Nawarat », 18°15’N 38°19’E

Nous sommes toujours mouilles à « Khor Nawarat », et nous nous faisons un point d’honneur à montrer à Téo tous les jolis sites de plongée découverts la veille. La Mer Rouge est un endroit fantastique, sans doute un des derniers lieux au monde ou la mer est encore si préservée (peu ou pas d’exploitation des ressources par les pêcheurs, très rares dans le coin, et pas d’industrie touristique, tout au moins dans le centre et la partie sud de la Mer Rouge, l’Egypte exploitant évidemment de nombreuses bases de plongée, Safaga, Hurghada, etc.…).

Comme chaque matin, les dauphins viennent nous rendre visite et partager un bout du chemin de Parsifal. Ce matin la, la mer etait si calme qu’on les voyait evoluer a 15 metres de fond.

Lundi 5 mai 2003, « Khor Nawarat », 18°15’N 38°19’E

Bon, il s’agirait de ne pas trop s’endormir. Même si c’est chouette ici, il faut continuer notre route vers le nord, et surtout profiter d’une météo excessivement clémente (vents faibles a moderes, essentiellement de secteur est). On lève l’ancre vers 7h, en compagnie de Téo, a destination de « Shab la ».

Quel luxe, on s’offre une nouvelle fois le plaisir de hisser le spi. Juste derrière nous, « Coral » allonge doucement son étrave, et nous cheminons ensemble vers le nord.

Teo et Gik posent pour nous sur "Coral"

Mardi 6 mai 2003, « Suakin group », 19°46’N 37°36’E

Une navigation « amusante », avec plein de récifs dans tous les sens. Même si le sondeur pouvait afficher la profondeur, au moins 600 mètres, on ne serait pas plus avances, car 10 mètres plus loin, un récif peut affleurer a moins de 30 centimètres de la surface, sans qu’on ne le voit si la mer est calme. A ceci s’ajoute des cartes souvent fausses ou incomplètes, avec des zones entières dites « unsurveyed » (personne n’a jamais pris la peine de savoir la nature ni la profondeur des fonds a cet endroit). Nous avons eu la surprise par deux fois de passer sur des hauts-fonds ou le corail pointait a peine 5 mètres sous la quille, alors que selon la carte, nous évoluions dans une zone ou la profondeur était au moins de 100 mètres. Prudence de mise donc.

Vers 10 heures du matin, nous apercevons au loin de gros bateaux de plongée à l’ancre, dans la mer au milieu de rien. C’est « Shab la », un endroit incroyable, une zone de récifs au milieu de rien, plus de 500 mètres de fond partout. Rien n’émerge de l’eau, et pourtant une barrière de corail, affleurant à 20 centimètres de la surface entoure une vaste zone protégée de la houle hauturière, comme un lagon. C’est l’endroit qu’a choisi le commandant Cousteau, dans les années 60, pour son expérience « pre-continent », ou il s’agissait d’expérimenter la vie sous l’eau, pour une dizaine de personnes, pendant plusieurs semaines. Des constructions sous-marines subsistent encore, et sont visibles en apnée.

Nous approchons de la passe d’entrée dans le récif, vers 11h. Expérience excitante que de trouver et d’emprunter en pleine mer une entrée large d’une vingtaines de mètres au milieu de la barrière de corail. Enfin, nous mouillons au nord de « Shab la ». L’endroit étant assez communément considère comme un des plus beaux sites de plongée du monde, nous nous mettons à l’eau assez rapidement.

Deux heures plus tard, nous partons en dinghy et guidons Téo vers la passe, pour qu’il vienne nous rejoindre sur le mouillage. Après-midi plongée, avec des fonds et des coraux d’une beauté indescriptible. L’endroit est connu pour abriter de nombreux requins-marteaux, qui hélas ne nous font pas le plaisir de venir nous saluer.

En fin d’après-midi, visite de courtoisie d’un des superbes bateaux charter/plongée de luxe, au mouillage tout près de nous. Téo réussit a leur faire gonfler quelques unes des bouteilles de plongée qu’il a a bord : nous allons pouvoir plonger demain, youpi !!!

Mercredi 7 mai 2003, « Shab la », 19°56’N 37°24’E

Comme prévu, nous nous offrons dans la matinée une des plus belles plongées de notre vie (en tout cas pour le moment). Souvenir impérissable d’un tombant a perte de vue, alors que les profondimetres indique déjà plus de 45 mètres. Soyons raisonnables et remontons voir le corail plus haut !

Le temps passe vite, et nous devons profiter d’une météo toujours aussi incroyablement favorable. Vers 11 heures, on lève l’ancre a nouveau, en direction de « Khor Shinab », sur la cote soudanaise.

Jeudi 8 mai 2003, « Ras Abu Shagara », 20°35’N 37°27’E

La nuit s’écoule tranquillement, sans qu’aucun événement majeur ne vienne troubler la serenite de cette longue remontée de la Mer Rouge au moteur, dans des vents légers bien que contraires.

Enfin, vers 8 heures du matin, les cotes soudanaises se dessinent dans le lointain et sortent de la brume : un paysage somptueux commence a apparaître, du désert, des montagnes.

Entree de la marsa de "Khor Shinab"

Vers 9 heures, les brisants annoncent le récif tout proche, il s’agit dorénavant d’ouvrir les yeux pour guider Parsifal vers la passe qui doit forcement exister. Pas de panique, mais les cartes dont on dispose paraissent fausses, ou bien c’est le point GPS du Pilot Book qui est faux ? Non finalement, ce sont les cartes, dont les levées remontent au 19eme siècle, et jamais réactualisées, qui ont sans doute souffert de distorsions lors du passage au format géodésique qu’utilisent la majorité des GPS. Bref, on s’arrange et on finit par trouver la passe permettant d’accéder à l’intérieur de la marsa. Les deux mats de « Coral » pointent à quelques milles, on décide d’attendre Téo, qui ne mettra pas longtemps à arriver.

Armelle s’installe dans le mat, poste d’observation bien pratique pour guider le bateau au travers des récifs, et Parsifal commence la remontée de la marsa, pour aller s’ancrer a plus de 3 milles a l’intérieur des cotes. Le paysage est sublime : il faut s’imaginer un désert rouge, ocre et pastel, parsemé de collines et de dunes, d’imposantes montagnes au loin. Personne. Pas de végétation, ou si peu. Quelques chameaux (ou dromadaires, on a oublie de compter les bosses). Au beau milieu de cette désolation, une langue de mer s’avance, comme une embouchure de fleuve, pourtant bien improbable dans cette contrée ou l’eau est une ressource bien rare. Les couleurs sont ahurissantes, et l’excitation a son comble a bord de Parsifal. La remontée de la marsa est très facile, il suffit juste d’éviter de passer trop près des berges, dunes de sable qui plongent vers des récifs coralliens. Malgré tout, il est impossible de faire descendre Armelle de son perchoir, qui profite pour l’occasion d’un chouette poste d’observation pour regarder le paysage. Elle s’est munie de l’appareil photo, et décide de battre le record du monde du nombre de photos prises en une heure : presque 250 cliches quand même. (’Armelle’ : ben quoi, il voulait pas me faire redescendre, alors il fallait bien que je m’occupe…et pis après tout le numérique c’est fait pour ça !)

"Coral" et "Parsifal" au mouillage dans la marsa de "Khor Shinab", au Soudan

Vers 10h30, la rapide remontée des fonds nous décide a ancrer Parsifal, dans 5 mètres d’eau au fond de la marsa, sous le regard bienveillants des camélidés (la question de décider de l’appartenance de ces bêtes a la catégorie chameau ou dromadaire n’ayant toujours pas été tranchee) et d’un flamant rose. Bien que la nuit ait été courte, relativement à la quantité de sommeil accumulée, nous passons notre après-midi à courir dans le désert et à escalader les montagnes environnantes.

Il n’y a guere que les "yachties" pour gravir cette petite colline. Par la terre, il faudrait des jours et des jours de chameaux pour parvenir ici.

Vendredi 9 mai 2003, « Khor Shinab », 21°21’N 37°01’E

Réveil moyennement matinal, suivi de la séance de confection et de dégustation de pancakes. Bref, il est déjà 10 heures quand on commence a se demander ce qu’on va faire de notre journée. Finalement, la perspective de manger du poisson constitue une bonne invitation à la plongée. Un gros poisson (genre inconnu-mais-a-une-tete-de-bon-poisson) fera les frais de l’expédition, en même temps que notre repas du midi. Vers 15h, hop, on remonte a nouveau l’ancre, et c’est parti pour l’Egypte. Météo a nouveau pas trop défavorable : vents contraires mais pas trop forts.

Ben voila, on est toujours aussi sport, et on vous offre ce cliche pour votre collec’ de photos debiles.

Samedi 10 mai 2003, « Foul Bay », 22°35’N 37°01’E

Une nouvelle nuit au moteur, dans une mer calme. On aurait du acheter un « cabin-cruiser » et pas un voilier. On commence à rêver d’avancer à la voile.

Nos voeux seront malheureusement exauces vers 14h, quand le moteur commence a avoir des rates. On le stoppe rapidement. Bon, ça ne semble pas trop grave, une panne de gasoil prématurée à cause filtre décanteur situe trop haut par rapport au fond du réservoir. C’est bête, mais les 40 derniers litres du réservoir ne peuvent pas être utilises, il va falloir abaisser ce maudit filtre. On s’en moque pour le moment, le vent s’est levé et pointe son nez a 60 degrés du cap a suivre : on peut faire de la voile, youpi ! Le reste de l’après-midi sera consacre a une animation « mets-toi-du-gasoil-partout », remplissage du réservoir de gasoil avec les jerrycans sur le pont, mais principalement au nettoyage du cockpit après le dit remplissage. On s’occupe aussi de la confection d’une table de cockpit, pour Parsifal qui devient de plus en plus luxueux.

Toutes les bonnes choses ayant une fin, le vent mollit et tombe totalement vers 20h. Le démarrage du moteur s’avère alors impossible. Il tourne quelques secondes, puis cale a chaque fois. Chouette, panne de moteur dans le nord de la Mer Rouge. Pas de panique, il s’agit sans doute d’un peu d’air dans le circuit de gasoil, on va le purger, et ça va remarcher. Ben non. Heu, et si on démontait et changeait le filtre a gasoil, il est peut-être bouche ? Il a l’air propre, mais par acquis de conscience Armelle s’y colle. Toujours pas. Alors les filtres a air ? On les démonte, mais ça non plus ça change pas grand-chose. Ou alors le gasoil qui est pourri ? Ou la la, si c’est ça, on sait pas trop comment on va faire. Finalement, c’était bien de l’air dans le circuit de gasoil, mais plus haut, au niveau de la pompe d’injection, on s’en est rendu compte deux heures plus tard. Trop cool les animations mécaniques la nuit, comme c’est bien organisé ces croisières en Mer Rouge !

Dimanche 11 mai 2003, large de « Ras Banyas », 23°45’N 36°03’E

La nuit est finalement assez courte. On mouille vers 10h dans une petite baie abritée derrière le « Ras Banyas ». Cette fois-ci, nous sommes en Egypte, nous avons bien avancé. Nous sommes ancres loin de la cote, bien protéges par les récifs coralliens tout proches, devant un camp militaire. La cote n’est pas très engageante : le « pilot book » indique même, avant de mettre le pied a terre, de demander aux militaires si la plage a bien été deminee. Nous n’avons pas, de toutes façons, l’intention d’aller visiter leur camp, malgré tous leurs appels desesperes.

Nous faisons semblant de ne pas entendre, ou de leur crier « Bonjour ! ». Même si nous disposons de visas en règle, nous n’avons pas une folle envie de les voir vérifier nos papiers, alors que nous ne sommes pas encore officiellement rentres en Egypte, du point de vue de l’immigration. Nous décidons plutôt d’aller plonger, au bord des récifs : superbes tombants parsemés de petites grottes, plein de petits poissons, et un gros au bout de la flèche, pour le repas du soir.

Lundi 12 mai 2003, « Ras Banyas », 23°52’N 35°48’E

Le vent se lève dans la journée, 20 nœuds, ce n’est pas encore la tempête, mais c’est déjà pénible quand le vent est de face. Nous décidons néanmoins de repartir, tablant sur une baisse du vent au cours de la nuit. A 16h30, « Parsifal » pointe a nouveau son étrave vers le nord, à la suite de « Coral », qui est toujours avec nous.

Mardi 13 mai 2003, « Ras Baghdadi », 24°41’N 35°18’E

Le vent mollit effectivement pendant la nuit, ce qui nous permet d’atteindre « Shab Samadai », un peu après midi, a l’heure ou la lumière permet de voir nettement les fonds. « Shab Samadai » se présente comme un lagon protége au nord par un récif en forme de fer a cheval, et un anneau de « patates de corail » au sud, a travers lesquels il s’agit de trouver une passe, nouvelle occasion pour Armelle de grimper dans le mat (Armelle  : « ouhai, en fait je suis en train de me transformer en matelot de hune ») . Ces récifs d’où rien n’émerge, affleurent à une profondeur de 20 centimètres, au milieu de rien… des endroits surprenants. On a vraiment l’impression de mouiller en pleine mer.

« Shab Samadai » passe pour être un superbe site de plongée, et reçoit souvent la visite d’un groupe d’une quarantaine de dauphins (des ’longs becs’ pour les connaisseurs). Revers de la médaille, l’endroit est bonde de bateaux de plongée. A notre arrivée, les zodiacs tourbillonnent de bateaux en bateaux, sans cesse acheminant des hordes de plongeurs-touristes, vrombissant de toute la puissance de leur hors-bord, nous agressent littéralement. On est loin de la Mer Rouge déserte des cotes de l’Erythree et du Soudan ! Ce contact avec la civilisation, en pleine mer, est un peu déroutent. Téo sur « Coral » arrive un quart d’heure plus tard, et nous convie a déguster son fameux chili rebaptise par l’équipage « ragoût des marsas ».

Evidemment, on ne tarde pas à se mettre à l’eau. Surprise ! L’eau est vraiment très froide (encore a 25 degrés tout de même). Chaque saut de puce qui nous rapproche de Suez nous fait goûter une eau de plus en plus glaciale. On n’hésite plus, et on sort des combinaisons. Va-t-on pouvoir se réadapter à la plongée en Bretagne ??? Chouettes paysages sous-marins, l’eau est vraiment très claire et les coraux superbes. Pas de poissons aujourd’hui, on n’ose pas tirer sur un plongeur !

Mercredi 14 mai 2003, « Shab Samadai », 24°58’N 34°59’E

Journée « bricolage » aujourd’hui : mains dans l’huile pour commencer avec la vidange du moteur, avec a suivre apero au gasoil lors d’un siphonage trop muscle lors du transvasage des bidons de diesel dans le réservoir. Atelier mécanique avec vérification de plein de choses au niveau du moteur, bien sollicite ces derniers temps.

Armelle tente le coup de charme, et va quêter auprès des bateaux de plongée mouilles tout autour de nous un peu de gasoil (les quelques litres qui nous manquent pour atteindre El –Guna sans stress de panne sèche si le vent se levait a contre, comme ce devrait être le cas). Ca marche plutôt bien, elle revient avec des bidons pleins, sans avoir réussi à les payer, des paquets de cigarettes, et une invitation a déjeuner !!! Il s’agit d’un bateau emmenant des touristes français voir les fameux dauphins a long-bec visitant fréquemment l’endroit. Tout le monde est très sympa, et l’on retrouve avec plaisir la langue française, au grand désespoir de Téo qui constate le manque de disposition des français à parler une autre langue que la leur. Le groupe vient en début d’après-midi visiter « Parsifal », tout étourdi (mais flatté) de voir tant de monde a son bord.

Grande reception a bord de Parsifal : de sympatiques francais sur un bateau de charter-plongee rencontres au mouillage a "Shab Samadai"

Après-midi carenage, puis re-plongée, et hop c’est reparti, le vent est a nouveau faible, et on tient a profiter de notre chance insolente pour continuer a avancer au moteur. Vers 17h30, la passe est franchie.

Jeudi 15 mai 2003, « Ras Torombi », 25°38’N 34°34’E

Si la nuit est relativement tranquille pour nous, elle l’est moins pour Téo sur « Coral » dont l’hélice accroche vers 1h30 une grosse aussière échappée de quelque cargo. A cela s’ajoute un vent relativement fort qui se met à souffler en fin de nuit. Nous sommes oblige de stopper « Parsifal » vers 4h du matin a l’entrée du mouillage du « Ras Torombi », afin d’attendre le petit jour et distinguer les récifs qui bordent la passe. Pendant ce temps, Téo se bat toute la nuit pour tirer des bords. Il réussit finalement dans la matinée a couper le bout en plongée et nous rejoint vers midi au mouillage, alors que le vent souffle toujours assez fort. Son inverseur (la boite de vitesse d’un moteur de bateau) a souffert de l’incident et l’oblige a avancer dorénavant très lentement. Il s’agit maintenant de profiter de chaque accalmie pour essayer de pousser vers le nord.

Nos vœux sont exauces quand en fin d’après-midi, après une petite plongée assez sympa elle aussi, le vent tombe totalement, ne laissant sur la mer qu’une petite houle pas trop gênante. Nous sommes vraiment vernis dans notre remontée de la Mer Rouge ! Nous décidons donc de repartir a la nuit, en nous promettant de rester proche l’un de l’autre pour parer a toute mauvaise surprise de l’inverseur de Téo Nous réussissons a franchir la passe de la marsa « Torombi » vers 18h30, a la faveur des dernières lueurs du jour.

Les cotes d’Egypte vues de Parsifal

Vendredi 16 mai 2003, « Safaga », 26°37’N 34°01’E

C’est parti pour une dernière ligne droite, toujours vers le nord a destination de l’entrée du golfe de Suez. La chance est toujours avec nous, le vent et la mer se montrent suffisamment cléments pour que Parsifal avale encore ses 50 milles pendant la nuit, toujours au moteur avec parfois juste ce qu’il faut d’une petite brise venue du nord, afin de pouvoir utiliser les voiles. Nous sommes dorénavant juste en face de Safaga.

Tant qu’on ne voit pas passer de petitions contre les eternelles photos de coucher de soleil dont on inonde le site, on ne se lasse pas et on continue a vous abreuver. Coucher de soleil au large d’Hurghada donc...

La journée s’écoule aussi tranquillement, et nous décidons de profiter des calmes jusqu’à la tombée de la nuit, pour mouiller aux dernières lueurs du jour juste au sud de « Giftun el Saghir », une île de l’archipel faisant face à Hurghada. Nous avons peut-être été un peu présomptueux, et la lumière n’a pas été suffisante pour que « Coral » heurte – heureusement sans dommages, vivent les bateaux en acier – un traître récif corallien. Pas trop de bobos, on ancre pour la nuit, en se promettant de partir très tôt le lendemain matin : la zone est protégée, et en tant que tel, l’ancrage est interdit. Que faire d’autre ? Nous ne pouvons décidemment pas évoluer de nuit au milieu de tous ces récifs.

Vendredi 17 mai 2003, « Giftun el Saghir », 27°11’N 34°58’E

Cette fois-ci, il ne nous reste plus que 25 milles, que l’on parcourt a toute vitesse, voile et moteur. L’arrivée est excitante, avec des passages au ras des récifs à 6 nœuds et dans des fonds parfois de 5 mètres. Nous sommes partis le matin vers 8 heures, et nous ancrons peu après midi au large de la marina d’Al Guna, 27°22’N 33°40’E.

"Parsifal" dans une marina, pour la premiere fois de sa vie peut-etre...

Al Guna est un gigantesque complexe touristique, bâti comme une petite ville sur ce qui autrefois n’était qu’un désert. Ca ressemble disons plutôt a un Disneyland géant, pour gens très riches. Ceux qui nous connaissent bien devinent assez facilement que nous ne goûtons pas particulièrement ce genre d’endroit, mais c’est le prix a payer pour laisser le bateau en sécurité quelques jours afin de pouvoir partir a la découverte des pyramides et autres trucs a voir en Egypte, après avoir réglée les formalités d’entrée dans le pays (jusqu’ici, nous avions toujours mouille dans des endroits suffisamment déserts pour ne pas être embetes).

C’était sans compter l’incroyable bureaucratie égyptienne, que même dans nos cauchemars les plus fous ne pouvions imaginer. C’est pourquoi c’est en général un agent qui s’occupe de régler tout ça, contre monnaie sonnante et trébuchante. Or, c’est précisément quelque chose qui nous manque, en ce moment. Nous avons donc essaye de faire sans agent. Première « bonne » surprise, Al Guna n’est plus un port d’entrée, il nous faut emmener le bateau à Hurghada, c’est-à-dire repartir en arrière, arhhgg ! Le lendemain c’est donc reparti, aux aurores. Arrives a Hurghada commence alors les longues et ennuyeuses tractations aux bureaux de l’hygiène, de la police, de l’immigration, du port, des douanes, des contrôles divers en tout genre, servant uniquement a extorquer le plus d’argent possible, sport national. Personne ne comprend pourquoi nous n’avons pas d’agent (pas de sous), et essaie de nous faire payer cher notre obstination à tout vouloir faire nous même. Evidemment, les fonctionnaires marchent avec les agences, et n’ont pas trop envie de voir toute cette manne leur passer sous le nez. Alors on prend patience, on file quelques billets sous la table. Et ce n’est pas possible. Un nouveau papier manque. Au bout de 3 heures, la seule solution est de retourner a Al Guna obtenir un papier de la marina garantissant le bateau. Finalement, les officiers des douanes ne monteront jamais à bord de Parsifal, ces salauds ! Alors on repart à la voile, le vent dans le nez jusqu’à la tombée de la nuit. 2 jours plus tard, nous revoilà aux douanes, munis du précieux papier manquant, cette fois-ci nous sommes venus en bus. Et nouveaux problèmes, pas possible sans agence. On discute et on passe des heures, on retourne 3 fois en ville faire de nouvelles photocopies pour de nouveaux papiers manquants. Quand tout semble OK, il nous faut ramener une nouvelle fois le bateau a Hurghada, ou bien payer un taxi pour qu’un officier des douanes vienne contrôler le bateau, alors qu’on le leur a apporte 2 jours avant. Cette fois-ci on se fâche. Deux heures plus tard, on réussit finalement a les avoir, ces fameux papiers !

Cette fois-ci, on est en règle, c’est parti, a nous les pyramides !


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